Recensione:
LIBÉRATION, 12/03/2014
François Sergent
ABUS SEXUELS DANS L'ARMÉE
LE DÉSHONNEUR
Longtemps cachés, les violences et le harcèlement ont entraîné des dizaines de plaintes de femmes militaires. Un phénomène révélé par le livre « la Guerre invisible ».
ALARME
« Aujourd'hui, il y a de plus en plus de femmes à saluer », disait en 2001 une affiche de l'armée. Avec un cliché d'une jolie militaire chèche le visage noirci d'un maquillage camouflage. Douze ans plus tard, l'armée a-t-elle réalisé cette promesse ? Un livre récent, « la Guerre invisible », dénonce pour la première fois les harcèlements et agressions sexuels dont sont victimes les femmes qui ont choisi de s'engager dans ce milieu majoritairement masculin.
Ce livre, comme les témoignages que nous publions, est un réquisitoire contre ce milieu d'hommes censés représenter la France. Non seulement, les faits d'agression sont avérés, mais l'armée et sa hiérarchie étouffent et enterrement les plaintes. Dans de nombreux cas, les victimes sont mutées ou renvoyées alors que leurs agresseurs bénéficient de la protection de leurs supérieurs. Au nom de « l'esprit de corps », à condition bien sûr que le corps soit mâle. Le livre de nos consoeurs doit servir d'alarme. Le ministre de la Défense a d'ailleurs promis une enquête « sans barrage ni couvercle », censée mettre fin à des années d'errements et de coupable omerta. Les officiers se doivent d'être exemplaires et sanctionnés quand ils ont des femmes sous leurs ordres et couvrent leurs hommes délinquants. Il s'agit d'un combat que l'armée française, justement fière d être plus féminisée que le BTP ou l'informatique, doit mener. Et gagner. --Libération, 12/03/2014, François Sergent
1/Alice au pays des brutes
Alice se retourne vers Jérémie. On vient de leur annoncer
qu'ils ont droit à un quartier libre pour laver leurs slips.
C'est le moment. La grande brune le regarde et, sans
réfléchir plus avant, lâche les mots qu'il attend depuis des
mois. « Je n'en peux plus. On rend nos flingues à l'armurerie.
On se casse ce soir. C'est fini. » Enfin, elle les délivre.
« Pas de problème », lui répond Jérémie. C'est la quille.
Quatre ans plus tard, le jeune homme se souvient de tout.
« On a pris nos affaires, on a chargé la voiture, et on s'est
barrés. » L'angoisse collée au coeur en fuyant le 93e RAM
(régiment d'artillerie de montagne), avec la peur que le
planton ne lève pas la barrière au poste de garde. Qu'il flaire
le coup et empêche ces deux jeunes troupiers de sortir en
plein milieu de leur stage de caporal. Du grade, ils n'en voulaient
plus. Du kaki, ils n'en pouvaient plus.
« Quand on est
sorti du régiment, Jérémie a ouvert la fenêtre et a crié on
se caaaaaasse ! ». C'était comme dans Les Évadés, raconte
Alice, des étoiles dans les yeux. On a roulé toute la nuit. »
Portés par l'excitation de ceux qui bravent l'interdit, ils ont
filé 700 bornes durant, traversant la France d'est en ouest,
de Grenoble jusque dans les Mauges, au coeur de l'Anjou. --Extrait
L'autore:
LEILA MINANO, 33 ans, journaliste indépendante, membre du collectif Youpresse. Elle a couvert les révolutions arabes et, depuis 2010, collabore régulièrement au magazine Causette.
JULIA PASCUAL, 28 ans, ex-journaliste économique à Libération. Elle a rejoint la rédaction de Causette en septembre 2011.
Le informazioni nella sezione "Su questo libro" possono far riferimento a edizioni diverse di questo titolo.