Pour un apprenti conducteur, la voiture, un objet pourtant familier de son environnement quotidien, est un corps étranger. Ses gestes sont gauches. Son corps ne répond pas. L'apprentissage terminé, le conducteur fera corps avec son auto. Il conduira sans presque plus penser aux automatismes gestuels qu'il a eu tant de mal à acquérir. Il aura réalisé ce que Paul Schilder appelle sa synthèse corporelle. Il intègre dans son corps une perception implicite du volume de la carrosserie, de la dynamique de l'accélération et du freinage ou de la distance à sauvegarder par rapport aux autres véhicules. L'objet s'est intériorisé. Le sujet-conducteur s'est transformé. Il participe d'une nouvelle culture matérielle.
Il existe de par le monde une grande diversité de cultures matérielles depuis celle du pilote de ligne qui doit maîtriser son Boeing 747 jusqu'à celle du paysan nigérian qui manie sa houe, en passant par la ménagère qui repasse son linge au fer électrique dans un habitat urbain européen. La thèse centrale de Jean-Pierre Warnier, dans la lignée des travaux de Schilder, Mauss, Leroi-Gourhan ou Merleau-Ponty hier, ou de Pierre Parlebas aujourd'hui sur le sport, est que l'action motrice du corps permet une " mise en objet " des sujets, hommes ou femmes, en fonction de leurs différentes cultures matérielles. L'objet n'est plus seulement un signe extérieur, il est une partie incorporée de l'action en société. Il révèle la partie la plus opaque du sujet, celle où la verbalisation ne suffit plus, celle où seul le corps peut exprimer ce que la matérialité veut dire.
Livre anthropologique, il intéressera tous ceux, historiens, psychologues, sociologues ou professionnels des objets qui prennent au sérieux la place de la matérialité dans la vie sociale, comme un ensemble de techniques de construction du soi qui différent de sujet à sujet et de société à société.
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