Le prochain Docteur aux Droits signe alors un monumental ouvrage de 400 pages, composé d'un entassement de sonnets qu'entrelardent assez erratiquement de longs morceaux de bravoure pieuse (prières, oraisons, odes et syndérèses - il aime les syndérèses ! ) qui sont à vrai dire plus pesants (étouffe-chrétiens) que propres à magnifier son talent (n'étaient certaines laisses exemplaires qu'on lira dans le choix subséquent). Mais il faut considérer cet amas - sorte d'encyclopédie très modernement construite, baroque dira-t-on - pour ce qu'il est sans doute : le témoignage d'une urgence autant que la preuve d'une frénétique inspiration juvénile. Il n'est pas étonnant, alors, de lire dans ces poèmes la détestation d'un homme jeune pour la prochaine décrépitude de son corps, qu'il va "illustrer" jusque dans les détails les plus épouvantables de cette avanie promise !
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Né à Besançon, alors ville du Saint-Empire, sans doute en 1571, Jean-Baptite Chassignet y sera l'élève de l'humaniste Antoine Huet. Devenu juriste ("Docteur aux Droits"), il occupe longtemps la charge d' "advocat fiscal au siège et ressort de Grey" ; il effectuera plusieurs missions officielles en Flandres. Il mourra à Grey en 1635.
Jean-Baptiste Chassignet, qui a retenu la leçon des poètes de La Pléiade, compose, entre dix-sept et vingt ans, cette somme de sonnets d’une véritable audace prosodique (Nodier l’a vu le premier) : rythme à la fois souple et nerveux, qui domine remarquablement le jeu fréquent des allitérations ; phrasé coulant malgré un vocabulaire parfois « apocalyptique » digne des prophètes ; métaphores abondantes mais toujours brèves et efficaces ; pointes, pas toujours mouchetées, des satiristes. Mais il sait aussi bien déplorer dans la grande tradition de Villon, consoler avec une douceur extrême – notamment lorsqu’il parle des animaux et de la nature :
Comme le cerf lancé à la meute soudaine
Des clabaudants limiers, de détours en détours,
Par l’épaisseur des bois tramant cours dessus cours,
Souhaite le surgeon d’une claire fontaine,
Ainsi, moulu d’ennuis et froissé de la peine
Que le monde me donne, à la mort je recours
Et, fidèle, j’attends le désiré secours
Qui me sauve la vie et me rende l’haleine…
l'auteur au lecteur
Favorable lecteur, lors que tu viendras lire,
Pensant te réjouir, ces Sonnets douloureux,
Enfants spirituels du remords langoureux
Qui sans aucun répit me bourrelle* et martyre,
Souriant à par toi ne te mets point à dire :
– Est-ce ce Chassignet, jadis tant amoureux,
Jadis tant adonné au monde malheureux,
Qui ces funèbres vers si tristement soupire ? –
Oui, c’est Chassignet, tant amoureux jadis,
Jadis si près du monde et loin de Paradis,
Qui vit encore au monde et du monde se fâche.
Il n’est pas défendu au pécheur se sentir
Sous un visage gai un juste repentir.
Le vrai remords du coeur au coeur même se cache.
* Tourmente
sonnet premier
Vous quiconque alléchés des voluptés charnelles
Que vous humez, gloutons, en ce corps terrien,
Ne pouvez sans horreur dissoudre le lien
Qui détient en prison vos âmes criminelles,
Ainsi tremblants de peur quand les pointes mortelles
Tâchent vous renvoyer au séjour ancien
Dont vous êtes issus, ne faites cas du bien
Que la divinité a promis aux fidèles,
Venez à gorge ouverte en l’eau de mes discours
Puiser contre la mort un assuré secours,
Remettant en Dieu seul votre unique espérance.
Ici vous trouverez que le plus sûr moyen
Pour être fait du Ciel éternel citoyen,
C’est de vivre en Justice, et mourir en constance.
ii
Celui quiconque apprend à mourir constamment
Désapprend à servir et ni a violence,
Torture, ni prison, dont l’extrême souffrance
Rompt de ses desseins le stable fondement.
Méditer à la mort, c’est le commencement
De vivre en liberté ; douteusement balance
Sans résolution, jouet de l’inconstance,
Celui qui du trépas redoute le tourment.
L’amour de cette vie est la vapeur funeste
Qui, troublant de l’esprit la nature céleste,
Le fait impudemment à tout vice courir.
Jetons-la en arrière, et nous verrons à l’heure
Sortir des beaux effets d’une cause meilleure,
On ne vit jamais bien quand on craint de mourir.
ccxvi
Pendant que tu bâtis des châteaux en Espagne
Et brûles du désir d’empiéter* les Romains
Et triompher, vainqueur, des belliqueux Germains,
Soumettant à tes lois l’une et l’autre Allemagne,
La mort se rit de toi et, moqueuse, dédaigne
Le fantasque projet de tes braves desseins
Et, trompant tes désirs d’intempérance pleins,
Sa flèche dans ton sang furieusement baigne.
Un jour te reste à vivre, et cependant tu fais
Pour trente ans à venir des discours imparfaits,
Embrouillant et mêlant la fusée et les cartes,
Ne considérant pas que les Conjurateurs
Juraient contre César au gré des Sénateurs,
Cependant que César jurait contre les Parthes.
* Vaincre.
ccxxiii
Le castor poursuivi du veneur altéré
S’arrache à belle dent cette riche partie
Qui de son corps châtré à l’instant départie
Le rend à l’avenir du chasseur assuré.
Et nous, dès que Satan, ennemi conjuré,
Et le monde et l’instinct de la chair pervertis,
Epie, aguette, et suit notre âme assujettie
Aux appétits lascifs du coeur immodéré :
Retrancherons-nous point tant de pensées frivoles,
D’orgueil, d’ambitions, de convoitises folles,
Pour sauver de l’enfer notre esprit gémissant ?
Toujours Satan nous suit et, parmi les délices
De son miel détrempé aux appas de nos vices,
Va le fiel de la mort doucement se glissant.
ccxlvi
Notre âme est immortelle, exempte du trépas,
Envoyé en ce corps comme en terre étrangère,
Bannie hors de son lieu, instable et passagère,
Vivant enveloppée entre mille débats
Dont elle se lamente et soupire ici-bas
Comme une tige féconde hors de la branche mère
Retranchée et plantée dans un terroir austère,
Stérile, maigre et sec, qu’on ne cultive pas,
Et pleure jusqu’à tant qu’elle se soit rendue
Au logis éternel dont elle est descendue,
Délaissant ce corps lourd duquel l’oppression
L’empêche de voler à sa vie immortelle
Qui sans terme et sans fin, malgré la mort cruelle,
Maintient son possesseur en sa possession.
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Destinazione, tempi e costiDa: Gallix, Gif sur Yvette, Francia
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